Prix surévalués, informations tronquées, rendements trop flatteurs… quand il s’agit d’acheter ou d’investir dans la pierre, la méfiance est de rigueur.
«Allô, bonjour Monsieur. Nous sommes spécialisés dans les réductions d’impôts. Je suis certain que, vous aussi, vous en payez trop. Nous avons une solution adaptée !» Si vous avez déjà reçu ce type d’appel, méfiance : c’est que vous figurez sur les listes de réseaux de commercialisation peu recommandables. Leur job : écouler les 20% d’appartements neufs éligibles au régime Pinel qui, en moyenne, ne présentent pas toutes les garanties, car mal situés, mal conçus ou trop chèrement vendus. «Des lots qu’en tout cas je ne conseillerai jamais à ma clientèle», assure Stéphane Van Huffel, directeur général de la société de conseil en gestion de patrimoine Netinvestissement. Ces intermédiaires ne reculent devant rien : démarchage téléphonique donc, mais aussi rendez-vous à domicile ou sur le lieu de travail, quand ils ne font pas miroiter de fausses promotions à travers la presse régionale. «Un de nos prospects s’est fait piéger par une décote de 40% pour un bien à Périgueux, qui n’a ensuite trouvé aucun locataire durant douze mois. Obligeant cet investisseur à restituer l’avantage fiscal», poursuit Stéphane Van Huffel.
Pour certains intermédiaires du secteur, comme le spécialiste Adomos, la revente de contacts qualifiés est même devenue un business à part : cette activité a bondi de 74% sur un an début 2019, selon les derniers comptes publiés. Si ces vendeurs font preuve d’autant de diligence, c’est qu’ils sont grassement rémunérés pour cette tâche. C’est ainsi que certains promoteurs, souvent trop petits pour entretenir une force de commercialisation interne, octroient une commission de 10 à 14% du prix de vente, ce qui, pour un appartement affiché à 300.000 euros, peut aller jusqu’à 42.000 euros de commission – là où les conseillers sérieux tels Netinvestissement ou Haussmann Patrimoine se contentent de 3 à 7%. Un décret est d’ailleurs attendu, depuis plus d’un an, pour plafonner ces honoraires de vente.
Pour vous prémunir, étudiez attentivement la simulation d’investissement que ces intermédiaires remettent avant de signer, aux approximations souvent nombreuses. Regardez notre exemple, un trois-pièces de la future résidence Le GreenGarden à Toulouse : tout prouve que le prix de vente est beaucoup trop salé, ce qui rendra difficile l’amortissement d’un tel investissement. Dans d’autres villes, déconseillées car l’excès de biens s’y conjugue avec une demande locative en berne, c’est le loyer à attendre qui sera gonflé. Les vendeurs se basent en effet sur les plafonds autorisés, quand les prix de marché sont de 10 à 20% inférieurs ! Selon Le Laboratoire de l’immobilier, ce risque est particulièrement avéré à Lens, Mulhouse, Elbeuf, Douai, Béthune, Metz, Vernon, Chamalières ou Senlis. Et même dans des villes comme Perpignan, Avignon, Chartres ou Beauvais, «nous recommandons la plus grande vigilance», prévient son directeur général, Franck Vignaud.
Les trop belles promesses des simulations Pinel
C’est après avoir laissé ses coordonnées sur un des innombrables sites de défiscalisation que notre journaliste a été joint par ce conseiller en gestion de patrimoine, aux méthodes en tout point similaires aux autres : pas de bilan patrimonial global, une pression pour signer l’investissement (la résidence Le GreenGarden à Toulouse) dès le second rendez-vous dans ses locaux, et un discours lénifiant. Les dangers d’un Pinel ? Aucun, ses amis en ont même déjà souscrit. La revente ? Avec un gain assuré à la clé. Le promoteur ? Sérieux, il connaît son marché. Sans compter la simulation personnalisée, systématiquement délivrée, et que nous avons ici décryptée…
Un trois-pièces à 246.900 euros : un prix hors marché
A 4.316 euros le mètre carré, ce 57,2 mètres carrés excède de 13% les prix moyens du neuf de l’agglomération. Et de 50% ceux de l’ancien du secteur, qui s’échelonnent de 2.700 à 3.000 euros le mètre carré. Même si les frais de notaire sont plus légers dans le neuf, il y a fort à parier qu’une partie de la mise ne sera jamais retrouvée.
1% de revalorisation des loyers : une hypothèse optimiste
Si le loyer de 625 euros correspond au plafond à respecter, 13% au-dessous des tarifs du marché, la revalorisation attendue est généreuse : certes, l’indice de référence des loyers (IRL) affiche en ce début d’année +1,70%. Mais, sur les neuf dernières années, il a été inférieur à 1%, quand il n’a pas été négatif, pendant pas moins de vingt trimestres.
Des frais de gestion de 12% TTC : une assurance plutôt chère
Comme souvent, cet investissement est vendu «clé en mains», c’est-à-dire assorti d’un contrat de gestion locative et d’une assurance loyers impayés et vacance locative. Au total, ces frais pèsent 12% des loyers, soit 73 euros mensuels. On pourrait trouver moins cher, notamment en matière d’assurance, facturée 3,3% TTC.
Plus de 5.000 euros d’impôt effacés par an : un compte pas tout à fait rond
A raison d’un rabais d’impôts de 2% du prix par an, l’économie fiscale atteindrait 45.432 euros sur les neuf années de l’opération. Mais il faut retrancher de cette somme la fiscalité et la CSG appliquée aux loyers perçus. Le gain réel sur la durée avoisinerait donc plutôt 38.000 euros.
Un pécule supérieur à 110.000 euros à terme : si les prix de l’ancien explosent
Cette somme correspond au prix de revente après neuf ans, amputée du capital restant dû sur le prêt. Mais pour que ce prix soit égal, comme dans la simulation, à celui d’achat, il faudra que les prix de l’ancien aient grimpé de 50% ! Un pari, donc, cette résidence se situant à Montaudran, secteur excentré et en pleine mutation de Toulouse.
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