Le premier intérêt d’une transmission anticipée est de réduire l’assiette globale des droits de mutation à titre gratuit, souligne Valérie Bentz, responsable du département des études patrimoniales à l’UFF. « Transmettre un bien par anticipation est toujours moins coûteux. Car entre le jour de la donation et celui du décès, vingt ou vingt-cinq ans plus tard, le bien aura forcément pris de la valeur. Ce qui mathématiquement augmente la base de calcul des droits de mutation à titre gratuit. Donner permet de stabiliser la valeur du patrimoine et de transmettre l’éventuelle plus-value future, sans droits », explique-t-elle.
En outre, avec les donations, les parents ont la possibilité de payer les droits de donation à la place de leurs enfants, sans que cela ne soit considéré par le fisc comme un supplément de donation taxable. Cette prise en charge, qui n’est évidemment pas possible pour les droits de succession, permet de transmettre plus à ses enfants en franchise de droits.
Ce qu’il faut savoir sur l’héritage et les droits de succession
Enfin, le dernier intérêt, et non le moindre, de cette stratégie est de pouvoir réduire sensiblement le taux d’imposition du patrimoine transmis. A condition de pouvoir espacer suffisamment les donations dans le temps. Comme les compteurs sont remis à zéro tous les quinze ans, cette technique permet en effet de bénéficier à chaque fois de l’ abattement entre parent et enfant de 100.000 euros, et pour le surplus, des tranches les plus basses du barème des droits de donation. La même somme de 500.000 euros transmise à un enfant sera taxée à hauteur de 11,2 % si elle est transmise en deux fois ou à hauteur de 6,9 % si elle est transmise en trois fois, contre 15,6 % si elle est soumise en une seule fois aux droits de succession au décès du parent donateur.
1 Privilégier la donation-partage
Dès lors qu’ils ont au moins deux enfants, les parents auront intérêt à privilégier les donations-partages , y compris s’ils ont des enfants nés d’unions précédentes, plutôt que de procéder au coup par coup avec des donations simples.
Comme son nom l’indique, c’est à la fois une donation et un partage d’une partie de ses biens. Cela permet d’éviter les contraintes de l’indivision et les conflits qui pourraient naître au moment du partage.
Mais son intérêt principal réside dans le fait qu’une donation-partage au profit des enfants n’est jamais rapportable à la succession : ce qui a été donné l’a été une bonne fois pour toutes et on n’en tiendra pas compte pour déterminer la part d’héritage devant revenir à chacun de vos enfants. Fiscalement, la donation-partage offre les mêmes avantages qu’une donation ordinaire. Mais elle permet aussi de faire l’économie du droit de partage (2,5 %).
Autre intérêt de cet acte : les parents peuvent consentir ensemble une donation-partage à leurs enfants, portant aussi bien sur des biens communs que des biens propres à chacun. « Lorsqu’il s’agit de biens communs, les enfants peuvent bénéficier deux fois de l’abattement de 100.000 euros et des tranches les plus basses du barème », explique Jean François Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale de la Banque Richelieu.
Dans les familles recomposées, la règle est différente mais demeure très avantageuse puisque les biens communs donnés à un enfant non commun bénéficient pour la totalité de leur montant – et pas seulement pour leur moitié – du tarif des droits de donation entre parent et enfants. Mais cette fois-ci, l’abattement de 100.000 euros ne joue qu’une seule fois !
2 Faire jouer le levier fiscal du démembrement de propriété
Une donation-partage n’est pas nécessairement consentie en pleine propriété. Les parents peuvent se réserver l’usufruit des biens transmis. Cela leur permet de garder jusqu’à la fin de leur vie l’usage des biens donnés ou d’en percevoir les revenus (bien locatif, portefeuille de titres). Fiscalement, cette opération est très attractive car elle permet de réduire sensiblement la base de calcul des droits de donation, puisqu’ils ne seront calculés que sur la valeur de la nue-propriété transmise, par définition moins élevée que la valeur de la pleine propriété. Cette valeur dépend de l’âge du donateur au jour de la donation. Plus il est jeune, et moins elle est élevée. Par exemple, si le donateur a entre 61 ans et 70 ans, elle représente 60 % de la valeur de la pleine propriété. En pratique, cela signifie que le jour de la donation, le donateur n’aura des droits à payer que sur 60 % de la valeur du bien qu’il reçoit !
Quant à l’usufruit, il échappera définitivement à l’impôt puisqu’au jour du décès du parent donateur, l’enfant récupérera l’entière propriété du bien sans droit supplémentaire à payer.
Répondant aux craintes exprimées par de nombreux praticiens, Bercy a précisé que de telles donations qui permettaient d’organiser de son vivant la transmission de son patrimoine n’étaient pas visées par le nouveau dispositif de « mini-abus de droit », institué par la dernière loi de finances, visant à lutter contre les montages à but principalement fiscal. « D’une manière générale, il n’y pas grand-chose à craindre pour les opérations de transmission à titre gratuit. Dès lors que l’intention libérale est réelle et respectée, ces opérations ne paraissent pas contestables. Cela paraît difficile de parler d’optimisation fiscale lorsqu’il y a dépossession et appauvrissement du donateur », ajoute Jean-François Desbuquois, avocat associé chez Fidal, membre du Cercle des fiscalistes.
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3 Ne pas oublier l’assurance-vie
La souscription d’un contrat d’assurance-vie est également un excellent outil pour ceux qui cherchent à transmettre un capital dans des conditions fiscales avantageuses. Lorsque le contrat prévoit un bénéficiaire autre que le conjoint ou le partenaire de pacs survivant – qui sont exonérés de tout droit, quel que soit le montant des sommes qu’ils recueillent -, le capital versé au décès de l’assuré échappe à toute taxation à hauteur de 152.500 euros par bénéficiaire lorsqu’il correspond à des primes versées sur le contrat avant les 70 ans de l’assuré. Au-delà, il est soumis à une taxe spécifique de 20 % jusqu’à 700.000 euros, puis de 31,25 % au-delà.
Si le contrat est alimenté après les 70 ans de l’assuré, c’est un autre régime fiscal qui s’applique : les versements effectués sur le contrat, reversés sous forme de capital aux bénéficiaires, sont réintégrés à l’actif de la succession. Ils sont soumis aux droits de succession, en fonction du lien de parenté existant entre l’assuré et le bénéficiaire, après un abattement de 30.500 euros tous bénéficiaires et tous contrats confondus. Seule la plus-value réalisée sur le contrat échappe à toute taxation.
Le fisc tente parfois de requalifier les opérations de transmission via un contrat d’assurance-vie en donation indirecte pour pouvoir soumettre la totalité des sommes versées aux droits de succession. Interrogée sur le cas des contrats assortis d’une clause bénéficiaire à options qui permet au bénéficiaire désigné en premier de n’ accepter qu’une partie du capital (75 % ou 50 % par exemple), l’autre partie revenant à un autre bénéficiaire également désigné par l’assuré, Bercy a confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une donation indirecte de nature à remettre en cause le régime de faveur de l’assurance-vie (Réponse Malhuret ; « JO » Sénat 22 septembre 2016 n° 4058). Or l’insertion d’une telle clause en offrant au premier bénéficiaire, généralement le conjoint, la faculté de moduler l’étendue de ses droits dans les capitaux décès peut permettre d’utiliser au mieux les abattements dont profitent les bénéficiaires de second rang, généralement les enfants.
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